En plein scandale planétaire de corruption, la Fifa se choisit ce vendredi un président entre Joseph Blatter, incarnation d'une instance décriée, qui brigue un cinquième mandat à 79 ans, et son challenger le prince Ali, 39 ans, un de ses vice-présidents, homme du changement.
Ali peut-il renverser Blatter ? C'est la question que tout le monde se pose. Michel Platini, président de l'UEFA qui a demandé en vain au dirigeant suisse en exercice depuis 1998 de démissionner, veut y croire: "Avant les événements de cette semaine, peut-être pas, mais maintenant avec ce qui s'est passé, je pense que Blatter peut être battu". La bombe atomique médiatique a explosé mercredi avec les deux procédures judiciaires distinctes diligentées par les justices américaine et suisse, pour corruption présumée à grande échelle, avec arrestations à Zurich de sept élus de l'instance dans un hôtel de luxe, inculpations en rafales et perquisitions de son siège. Blatter, entré à la Fifa en 1975 comme directeur technique, devenu secrétaire général (N.2) de 1981 à son accession à la présidence, n'a ni vacillé ni cillé. "Il est important de restaurer la confiance", a-t-il même lancé lors de son discours d'ouverture du 65e Congrès de son instance jeudi soir. Dans les coulisses du Hallenstadion, gigantesque complexe polyvalent un peu à l'écart du centre de Zurich où a lieu l'élection, les pronostics sur les décomptes des voix vont bon train. Match Russie/Etats-Unis Chacune des 209 fédérations de la Fifa a une voix. L'UEFA, c'est à dire l'Europe (54 membres mais seulement 53 voix car Gibraltar n'est pas reconnu par la Fifa), est opposée à Blatter. A quelques exceptions près, comme la Russie. Moscou, supporter de Blatter, considère que l'action judiciaire pilotée depuis les Etats-Unis est une manœuvre pour empêcher la tenue du Mondial-2018 en Russie. Les USA, froissés par l'attribution du Mondial-2022 au Qatar, voteront eux Ali. Le football vient donc envenimer des relations entre Vladimir Poutine et Washington déjà écorchées à vif par le conflit en Ukraine. L'Afrique (54 voix) devrait rester fidèle à Blatter, considéré comme l'artisan de la première Coupe du monde organisée sur le continent en 2010. La Jordanie, pays natal du Prince Ali, est rattachée à l'Asie (46 voix). Mais cette Confédération ne l'a pas reconduit à son poste de vice-président asiatique de la Fifa pour le prochain mandat qui s'ouvrira samedi, au lendemain de l'élection. S'il n'est pas élu président, il ne sera plus au gouvernement du foot mondial. Le patron du football asiatique, le cheikh Salman bin Ebrahim al Khalifa (Bahreïn), est un fervent supporteur de "Sepp". La Concacaf (Amérique du Nord, centrale et Caraïbes), 35 voix, a été frappée de plein fouet par les affaires, puisque son président (désormais ex-président) Jeffrey Webb fait partie des personnes arrêtées à Zurich. Comment votera-t-elle ? Les autres contingents, Océanie (11 voix) et Amérique du Sud (10) pèsent moins. Image en lambeaux La Fifa, qui portait déjà comme une croix l'attribution controversée du Mondial-2022 au Qatar, n'avait pas besoin d'être plongée dans un décor de film policier cette semaine. Sur les réseaux sociaux, les hashtags #BlatterOut ("BlatterDehors") ou #FifaMafia pullulent. Des dirigeants politiques sont également entrés dans la ronde. Le Premier ministre britannique David Cameron a appuyé la Fédération anglaise (FA), "qui soutient la candidature du prince Ali. On désire voir des réformes à la Fifa". Et François Hollande a pour sa part insisté sur la nécessité pour les organisations sportives d'être "incontestables". Plusieurs entreprises multinationales, dont Nike, Visa, Adidas et Coca-Cola, associées au sponsoring de la Coupe du monde, ont exhorté la Fifa à faire le ménage. Le compte à rebours est lancé. La Fifa connaîtra son président pour 2015-2019 entre 16h30 et 19h30 françaises.