Emmanuel Bussier (ancien Stable Supervisor) : «C’est un cercle vicieux où il y a plus de perdants que de gagnants»

By Jean-Hugues Olivier Jeudi 14 Mars 2019 Défi Turf O commentaire 0 views

Cinq ans après avoir quitté son poste de responsabilité au sein d’une écurie au Champ-de-Mars, Emmanuel Bussier refait parler de lui. Dans une interview exclusive au Défi-Plus, le jeune homme de 26 ans révèle comment certains établissements sont « financés » par des personnes extérieures aux courses et explique les raisons de sa guerre contre le Mauritius Turf Club.

En janvier, un journal en ligne annonçait votre retour dans le giron des courses en tant qu’assistant-entraîneur au sein d’un établissement. Un mois plus tard, vous écrivez une tribune, où vous appelez cette fois au boycott du Mauritius Turf Club (MTC). Que s’est-il passé en un mois qui justifie cette volte-face ?
Ma position était claire dès le départ. Soit j’aide le MTC dans son ‘tug-of-war’ avec la Gambling Regulatory Authority (GRA), soit je vais dans le sens de l’instance régulatrice et je dis toute la vérité sur le club. Finalement, j’ai décidé de lutter pour mettre un terme à un produit qui ne tient plus la route. Au fait, des propriétaires de chevaux m’avaient proposé de venir travailler comme assistant-entraînement au sein de leur yard. Par la suite, ce qui a tout déclenché et abouti à ma prise de position actuelle, c’est le refus du MTC de me laisser assister à une séance d’entraînement dans ses loges. J’estime que si je ne peux aider le MTC en tant que jeune, mon action doit être de critiquer tout ce qu’il fait mal.

Qu’est-ce qui vous fait croire que le MTC devrait vous permettre de suivre le training au même endroit que les entraîneurs si vous n’avez pas encore votre licence pour la saison ?
Je pensais avoir un passe-droit car j’ai réussi à mon examen d’assistant-entraîneur et j’ai agi en tant que Stable Supervisor dans le passé.

Comment auriez-vous pu aider le Club et de quelle politique parlez-vous ?
J’aurais fait entendre ma voix ; je me serais placé entre le MTC et la GRA et j’aurais aidé l’organisateur dans sa stratégie à revaloriser son produit et à se démocratiser.

Donc, vous avez cru dans la stratégie du MTC il n’y a pas si longtemps ?
Mais je n’y crois plus ! La façon dont j’ai été traité m’a ouvert les yeux.

Que voulez-vous dire par la démocratisation du Club ?
Je fais allusion à un organisme où tout le monde a sa chance. Je prends pour exemple les sanctions récentes dans des cas de dopage. Malgré l’appareil législatif en place au MTC, ce dernier protège ses licenciés de sorte à continuer avec les mêmes personnes. Les nouveaux n’ont pas leur place.

Le 'tug of war' entre la GRA et le MTC va mener ce dernier à sa perte..»

Avez-vous des exemples ?
Je vais vous citer un seul cas. Pour moi, c’est impensable que quelqu’un du calibre de John Zucal ne sache pas qu’il ne pouvait pas avoir accès au dossier d’une enquête précédente dans l’affaire Gameloft avant d’en présider une ‘de novo’. Tout cela est fait de manière à ce qu’on continue avec les mêmes personnes.

Mais ces dernières années il y a eu l’émergence de nouvelles écuries : Amar Sewdyal, Preetam Daby, Praveen Nagadoo. Comment pouvez-vous dire que les nouveaux n’ont pas leur chance ?
Ils sont peut-être là, mais moi je parle de jeunes qui viendraient surtout apporter une contribution pour une réorganisation des courses, surtout avec les menaces que représentent les positions de la GRA.

Venons-en à votre tribune publiée cette semaine. Vous parlez de « pratiques douteuses (…) pour se faire de l’argent ». Pouvez-vous en dire plus ?
Je vais vous parler d’un cas dans lequel j’étais impliqué lorsque j’étais Stable Supervisor. J’étais accusé d’avoir pris de l’argent avec des gens pour financer l’écurie. J’avais dit à l’époque qu’ils étaient des futurs propriétaires qui voulaient investir. En réalité c’était tout simplement une gestion de tickets. Ces gens jouaient pour l’écurie. Ils étaient des ‘punters’. Ils avaient perdu et ils étaient venus réclamer leur argent.

Qui sont ces gens ?
Je ne me souviens pas vraiment d’eux…

La transaction avec les ‘punters’ est-elle légale ?
Il y avait une rupture entre les propriétaires et l’écurie. Au sein d’un yard, il y a des grosses dépenses à encourir. Ce n’était pas la seule fois que je l’avais fait. Les ‘punters’ ont été sollicités cinq à six fois. Je ne faisais que mon travail. Moi, je pensais surtout aux palefreniers qui travaillaient dans des conditions difficiles et qui méritaient un petit bonus.

Quel est le mécanisme ?
On approche certaines personnes ou sinon ce sont des gens qui viennent vers nous. Les ‘punters’ misent sur un cheval du yard et reversent les gains à l’écurie.

Ils jouent jusqu’à combien ?
Les gens dont je vous parle avaient misé entre Rs 400 000 et Rs 500 000 au total. Ça gagnait comme ça perdait. C’est un cercle vicieux où il y a plus de perdants que de gagnants. Ceux qui n’ont plus les moyens pour miser s’en vont et de nouveaux investisseurs arrivent. Quand le cheval gagne tout le monde est content, mais lorsqu’il perd, il n’y a que le ‘punter’ qui paie de sa poche. L’écurie n’a pas de dépenses.

Vous dites avoir été approché pour refiler des tuyaux. Ne l’a-t-on jamais fait pour doper un cheval ?
Une fois quelqu’un est venu me proposer. Je suis contre cette pratique et j’ai refusé.

Comment vous a-t-il abordé ?
C’était à une soirée et c’est quelqu’un que je ne connaissais pas. Mais il m’a reconnu et il est venu me parler.

En gros, vous appelez à un « boycott des courses organisées par le Mauritius Turf Club cette année et indéfiniment ». Pourquoi les gens devraient-ils vous suivre ?
Nous allons vers une situation qui devrait se concrétiser dans 6-7 ans : la création d’une Mauritius Turf Association, qui viendra remplacer le MTC. Ce dernier est voué à disparaître dans les prochaines années.

Vous rendez-vous compte que vous vous attaquez à une institution qui compte deux siècles d’expérience dans l’organisation des courses ?
Oui, et je ne parle pas de la disparition du MTC avec tous ses éléments. Certains vont rester car ils valent la peine.

Cela implique aussi un investissement massif, sans compter les infrastructures. Où trouver tout cela ?
J’ai déjà discuté avec certaines personnes. Il y aura des partenaires. Les stakesholders peuvent être les mêmes que ceux qui existent déjà. Je le répète : le ‘tug of war’ entre la GRA et le MTC va mener ce dernier à sa perte. Cela va se ressentir au niveau du betting dès les premières journées cette année, car les gens ont de moins en moins confiance dans le MTC.

Pourquoi les gens devraient vous prendre au sérieux alors que vous étiez récemment disposé à intégrer une écurie et après votre aveu de transactions d’argent avec les ‘punters’ ?
Je mène ma campagne et je laisse le soin à chacun de se faire sa propre idée.

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