La bombe est tombée cette semaine : les propriétaires de chevaux ne seront pas autorisés sur l’hippodrome si jamais la saison devait démarrer à huis clos dans les semaines à venir. Copropriétaire d’une quinzaine de chevaux chez les écuries Narang et Sewdyal, Kevin Boodhoo confie que cela ne le gêne pas, car « la priorité demeure la santé de la population », mais il tire la sonnette d’alarme car « la situation va s’empirer ».
Sans chevaux pas de courses et sans propriétaires pas de chevaux. Mais le Mauritius Turf Club (MTC) et la Gambling Regulatory Authority (GRA) pensent démarrer la saison à huis clos, à cause de la pandémie Covid-19, sans ce maillon important de la chaîne de l’industrie hippique. Cette décision, annoncée dans un protocole publié par l’organisateur des courses mercredi, ne dérange pas à vrai dire. Kevin Boodhoo, copropriétaire de chevaux, approuve même. « Avec la situation difficile dans le monde dû au coronavirus, nous devons accorder une priorité à la santé publique », dit-il.
Toutefois, ce membre de l’écurie Shirish Narang affirme que l’industrie hippique mauricienne prendra un sale coup si rien n’est fait pour repenser le modèle. « Il sera très difficile pour les propriétaires d’investir dans les deux ans à venir, voire plus. Car la conjoncture est telle que de plus en plus de monde va se demander si cela vaut la peine d’injecter de l’argent dans le circuit », souligne-t-il.
D’autant que les ‘stakesmoney’ (primes pour les chevaux pour les gains et les places) seront réduits de presque moitié lorsque démarrera la saison 2020. « Les gains seront ramenés à 60% car le MTC fait face à des difficultés. Il faut compter entre Rs 25 000 à Rs 35 000 par mois pour le ‘keep’ (entretien) d’un cheval. Toute personne a en tête un retour sur investissement. Pour cette année, il n’y aura pas de problème, mais après la saison 2020 on va réfléchir à deux fois avant de faire l’acquisition de nouveaux chevaux. Dans trois ans, la population de coursiers au Champ-de-Mars prendra un coup de vieux et si rien n’est fait maintenant, les courses mourront d’une mort certaine. La situation économique dans le monde ira de mal en pis. Personne ne mettra son argent, sauf une petite poignée qui en aura les moyens. Mais cela ne suffira pas. Les petits propriétaires vont disparaître », prévoit-il.
Kevin Boodhoo souligne que c’est difficile pour les propriétaires de soutenir l’industrie à ce rythme. Et lance un appel au gouvernement : « On dépense moyennement Rs 35 000 par mois par cheval. La seule façon pour nous de nous en sortir, c’est d’avoir une industrie qui compense. Il faut enlever la taxe sur l'importation des chevaux et sur tout ce qui touche aux courses pour au moins deux à trois ans. Le temps pour nous de souffler. En même temps, nous avons une association de propriétaires qui n’est pas trop active. Je souhaite que nous puissions discuter entre nous plus souvent. Car nous sommes les derniers consultés même si nous sommes les plus gros investisseurs dans le domaine. Trop souvent nous sommes mis devant des faits accomplis. Je demande à l'Etat et à tout le monde de rechercher notre avis également avant de prendre toute décision par rapport aux courses hippiques. »
Et comment s'annonce l'avenir des courses : « Il faut une table ronde pour repenser et redessiner les contours des courses à Maurice. Mais n'oubliez pas les propriétaires dans les discussions », réclame Kevin Boodhoo.