Sa réaction était attendue depuis longtemps. Dev Beekharry, conseiller au bureau du Premier ministre et membre de la Gambling Regulatory Authority (GRA), sort de son silence. Il répond aux accusations formulées contre lui et assure que les actions prises par l’instance régulatrice sont dans l’intérêt de l’industrie hippique et des turfistes.
L’ex Head of Integrity Division de la GRA, l’Anglais Paul Beeby, a porté des graves accusations à votre égard dans une interview à un confrère. Que lui répondez-vous ?
Je laisserai le fabulateur à ses fabulations.
Il vous a quand même accusé de tout entreprendre pour vous débarrasser d’un opérateur au profit d’un autre. Ne pensez-vous pas que c’est grave ?
Le conseil d’administration de la GRA, réuni en séance spéciale le mercredi 2 juin, a condamné et dénoncé dans un communiqué le caractère préjudiciable et diffamatoire de ces allégations. En conséquence, la GRA a décidé de considérer toute action légale que ses hommes de loi jugeront utile dans les circonstances. Le fabulateur ne perd rien pour attendre. Ceci étant dit, la GRA agit en fonction des pouvoirs que lui confère la Gambling Regulatory Authority Act. Toutes les décisions prises par l’instance régulatrice des jeux de hasard à Maurice respectent les paramètres établis dans la loi. La licence de l’opérateur qui, selon le fabulateur, était ma cible, a été renouvelée année après année depuis 2015 quand le nouveau Board de la GRA est entré en fonction. C’est une première preuve qu’il n’y a pas eu de victimisation vis-à-vis de la personne mentionnée. Je vais vous démontrer, arguments à l’appui, que la GRA s’est constamment, depuis 2015, attelée à adresser des questions pertinentes relatives aux courses hippiques exposées par différents ‘stakeholders’ concernés et particulièrement dans le rapport de la Commission d’enquête Parry, soumis aux autorités en mars 2015. Le constat de cette Commission était accablant. Le rapport parle de malversations, de conflits d’intérêts, de collusion et de clans, pour ne citer que ceux-là. Des noms avaient été mentionnés de même que des cas de courses truquées alléguées. C’était la situation au moment où le nouveau gouvernement issu des élections de 2014 assumait ses fonctions. La GRA d’alors avait aussi été critiquée car elle n’avait pas les ressources nécessaires pour jouer son rôle de régulateur. Il fallait agir, à commencer par nommer un nouveau conseil d’administration, restructurer l’institution et recruter des personnes compétentes ainsi que des consultants pour l’aider à assumer ses responsabilités pleinement. Au fil des mois, après la nomination du nouveau Board en 2015, la GRA, qui était considérée auparavant comme un bouledogue sans dents, a commencé à mordre.
Qu’importe... Paul Beeby parle quand même « d’inaction » de la GRA face à des sujets sérieux. Êtes-vous sûr que la GRA « mordait » la bonne cible ?
La GRA n’a pas attendu l’arrivée de ce monsieur pour agir. Il est important que je vous cite les mesures phares qui ont été prises par la GRA et le gouvernement ces dernières années pour mettre de l’ordre dans le secteur des jeux de hasard et des jeux d’argent, qui comprennent bien sûr les courses hippiques. Des directives ont été émises à l’intention de l’organisateur des courses hippiques pour apporter plus de certitude aux stakeholders concernés et réduire la subjectivité et l’iniquité dans la prise de décision. Cela a été fait selon les provisions de la GRA Act, et il n’a jamais été l’intention de l’instance régulatrice d’usurper les prérogatives du MTC, maintenant MTCSL. Au contraire, ces directives devraient contribuer à ce que l’organisateur des courses essuie moins de critiques. La loi a été amendée pour contraindre les opérateurs du betting à opérer à travers une entité corporative pour plus de transparence et conformément à la réglementation contre le blanchiment d’argent. C’est dans cette même optique que le MTC, qui a un statut de club privé, a dû créer une subsidiaire corporative, la MTCSL, pour pouvoir opérer selon les nouvelles dispositions de la loi. Le contrôle anti-dopage a été renforcé, la GRA prenant à sa charge le contrôle hors-compétition. Sur une recommandation de Quantilab, le contrôle pré-compétition est fait les jeudis suivant la publication du programme des courses. Ce nouvel arrangement permet au laboratoire d’avoir plus de temps pour effectuer un éventail de tests, contrairement à ce qui se pratiquait auparavant. Pour plus de transparence sur les gains issus du betting, les ‘licensees’ de la GRA sont contraints sous l’Income Tax Act de répertorier les gains dépassant Rs 20 000. Des accords de partenariat ont été signés entre la GRA et d’autres institutions comme la MRA, l’ICAC, la FIU, l’IRSA en vue d’une collaboration étroite pour traquer les actes illégaux ou suspicieux dans le circuit des jeux de hasard et d’argent. Désormais, il est un devoir légal des ‘licensees’ de la GRA de divulguer leur ‘ultimate beneficial owners’, ce qui permet de savoir qui est effectivement derrière une activité de gambling. La Personal Management Licence (PML) a été introduite afin de déterminer si une personne engagée dans le secteur des jeux de hasard et d’argent est ‘fit and proper’. Son importance est maintenant mieux comprise, car l’exercice de ‘due diligence’ qui précède l’octroi de la PML permet de mettre à l’écart des individus suspectés de ne pas l’être. La loi a été amendée pour contraindre les institutions financières à ne pas honorer des transactions liées à des paris illégaux sur le net. Dans peu de temps, la Police des Jeux passera sous la GRA en vue d’une meilleure coordination en ce qu’il s’agit des opérations coups de poing sur le terrain. Et, ce qui touche dans le mille la mafia des courses pointée du doigt dans le rapport Parry est l’introduction à l’initiative de la GRA d’un mécanisme de contrôle en ce qui concerne l’achat des chevaux, les paiements effectués aux jockeys et les versements pour l’entretien de chevaux, communément appelés ‘keeps money’. Désormais, toutes ces transactions, de par la loi,doivent passer obligatoirement par un compte spécifique de la MTCSL. La responsabilité incombe donc à la MTCSL de rapporter à la FIU toute transaction qu’elle jugerait suspecte. Toutes ces mesures montrent que les autorités se sont armées de dispositions légales et de mécanismes pour mettre au pas n’importe quel individu ou compagnie qui se permettrait de s’adonner à des actes illégaux dans le secteur des jeux de hasard et d’argent susceptibles de ternir l’image du pays. C’est la preuve aussi que personne n’a été ciblé par rapport à un autre. Évidemment, ces mesures ne plaisent pas à cette mafia dénoncée par la Commission d’enquête Parry.
Mais ces mesures ont-elles permis d’éliminer ce que vous qualifiez de mafia ?
Cette mafia est une vraie pieuvre. Elle s’est développée entre 2008 et 2014. Elle a des ramifications et des connexions dans différents milieux, ce qui rend son démantèlement difficile. Mais, je peux vous dire que les mesures que j’ai énumérées plus tôt font mal déjà. Quand cette mafia sent l’étau se resserrer progressivement sur son modus operandi, elle réagit et s’agrippe à ses complices pour chercher du soutien et calomnier ceux qui peuvent nuire à ses intérêts. Beaucoup de turfistes et de journalistes qui sont les habitués du Champ-de-Mars sont au courant des ‘carrosses mariage’ et des « betting coups » qui constituent sa spécialité. La presse n’a-t-elle pas dévoilé comment un certain individu controversé très proche de certains politiciens de l’opposition et de certains hommes forts du giron hippique était à l’œuvre en vue de l’élection au MTC pour collecter des proxys, notamment à Trianon ? Quelle était sa motivation ? Comment peut-on expliquer qu’un ex-leader de l’opposition ait jugé nécessaire de monter au créneau pour donner une consigne de vote pour l’élection au MTC ? Les diatribes d’un autre politicien de l’opposition se cachant derrière l’immunité parlementaire pour vilipender, seraient-elles dictées par les dessous d’un certain ‘mega rocksand deal’ du temps d’un maroquin ministériel ? Ou encore seraient-elles liées à certains financements politiques occultes ou encore le financement de soins médicaux en France ? Clairement, il y a une machination, un complot en vue d’occulter la gangrène qui ronge l’industrie hippique depuis des années et essayer de faire porter le chapeau à autrui. Certains se sont ligués pour blanchir ce qui est noir et noircir ce qui est blanc. Évidemment, ce jeu infect saute aux yeux et doit être condamné et dénoncé. Car, il est un fait que ni la GRA ni le gouvernement ne sert les desseins de qui que ce soit. Je vous ai fait la preuve en vous énumérant les mesures phares prises par la GRA et les autorités en vue de combattre le mal exposé dans le rapport Parry. D’autres mesures suivront.
Mais qui est donc la mafia que vous dénoncez ?
Ceux concernés se reconnaîtront. Ceux qui sont dans le giron savent aussi de qui je parle.
Paul Beeby affirme que vous avez bloqué certaines de ses initiatives, comme le « live monitoring » du betting au Champ-de-Mars. Pourquoi donc ?
Excusez-moi, je n’ai pas le pouvoir de bloquer quoi que ce soit. C’est le board de la GRA qui prend des décisions collectivement. Vous admettrez que les données par rapport au betting sont des informations sensibles et confidentielles. Comment est-ce qu’un ‘Head of Integrity’ de la GRA puisse trouver correct d’exposer de telles
données au Champ-de-Mars aux yeux de, ne serait-ce, qu’un inquisiteur ? Le Board, dans sa sagesse, avait demandé que le live monitoring soit effectué à la GRA selon un protocole de confidentialité bien établi, et loin des yeux indiscrets, en vue de toute action jugée appropriée. Toute personne objective donnerait raison au Board de la GRA. Il y a aussi eu des allégations comme quoi j’aurais donné des instructions pour le ‘sampling’ de certains chevaux. C’est encore de la fabulation. La GRA a toujours reçu des informations venant de ‘whistle blowers’. Elle agit en conséquence et c’est ainsi que des cas de dopage ont été décelés. Avec l’approbation de son conseil d’administration, la GRA a introduit le ‘out of competition testing’ et a établi, avec le MTC, un protocole plus élaboré et hermétique pour l’échantillonnage des chevaux. Nous avons agi dans l’intérêt de l’industrie hippique alors que certains ont touché de gros salaires pour discréditer et jeter de la boue sur la GRA. À vous d’en juger !
On a souvent parlé d’un ‘Intelligence System’ mis sur pied par cette division d’intégrité sous la férule de Monsieur Beeby. Qu’en est-il au juste ?
Laissez-moi vous donner une information en primeur. Le dossier concernant la mise sur pied d’un ‘Intelligence System’ au sein de cette unité d’intégrité a simplement disparu. Le cas a été rapporté à la police. Devinez qui a fait du chantage pour que toutes ses indemnités contractuelles soient versées sur son compte bancaire avant même de penser à « engage with the GRA... in relation to the files on the intelligence system... » ? Devinez qui se permettait de se pavaner dans la Stipes Room du MTC lors des journées hippiques se mettant ainsi dans une situation de juge et partie ? Est-ce cela de l’intégrité ? N’y-a-t-il pas matière à scandale ? C’est seulement ‘the tip of the iceberg’. « People who live in glass houses should not be throwing stones ! »
On vous accuse de vouloir détruire le Mauritius Turf Club. Dans certains milieux, on parle même de racisme. Que répondez-vous à ces allégations ?
Ce sont des allégations gratuites. Ceux qui me connaissent savent à quel point je veux que l’industrie hippique se développe sainement et que sa pérennité soit assurée. Je n’ai pas un iota de racisme dans mes gènes. J’ai appris à vivre et à côtoyer des personnes de différentes origines, dans le respect de tous. D’ailleurs, durant les neuf ans que j’ai passés à Business Magazine, comme journaliste d’abord, et rédacteur en chef adjoint par la suite, j’ai été en contact régulier avec des personnes influentes du secteur privé. Et nombreux sont ceux et celles dans ce milieu qui peuvent témoigner qu’ils me respectaient pour mon professionnalisme et mes rapports civilisés. Je peux comprendre que mes actions et mes initiatives depuis que je suis conseiller auprès du Premier ministre et membre de la GRA ne plaisent pas à certains. Mais, de là à vouloir à tout prix me calomnier, j’arrive difficilement à comprendre cette hargne. Je me pose parfois la question si c’est mon nom qui pose problème ou est-ce que certains ont compris que je ne suis pas achetable et que je suis un obstacle à leurs sombres desseins. Pourquoi devrai-je détruire le MTC quand il s’autodétruit ? Si en 209 ans d’existence le MTC n’a pu se réinventer et s’assurer que ses finances soient à la hauteur de ses ambitions, comment peut-on accuser autrui ? Toutes les personnes objectives et progressistes vous diront que le modèle de fonctionnement du MTC est dépassé. Le rapport Parry a recommandé que le MTC devienne une compagnie publique. Les exigences des réglementations internationales concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme requièrent une transparence accrue dans le secteur des jeux de hasard et des jeux d’argent. Il coule de source que le MTC ne pouvait plus continuer à opérer comme un
club privé. Ceux qui m’accusent de vouloir détruire le MTC doivent savoir qu’au sein du Board de la GRA j’ai été le premier à dire, suite aux recommandations qu’avait faites le BDO sur les redevances que devraient payer les opérateurs du betting à l’organisateur des courses, que dans aucun cas le montant ne devrait être inférieur à celui déjà encaissé par le MTC. C’est la preuve de ma bonne foi. Par ailleurs, l’article de Mike Rishworth, l’ex CEO du MTC, publié par l’un de vos confrères, démontre la bonne foi des autorités à vouloir discuter avec le présent organisateur des courses hippiques, les avenues les plus aptes à assurer la viabilité et la pérennité de cette industrie. Certains ont trouvé matière à scandale. Ce genre d’attitude est suicidaire. J’espère que ceux concernés réalisent la gravité de leurs errements.
Les récentes décisions énoncées dans le Budget poussent à croire que les autorités gouvernementales veulent la disparition du MTC/MTCSL et à évincer Jean Michel Giraud, président du MTC. Que répondez-vous ?
C’est absurde ! Il n’y a rien de tel. Les lois sont faites pour mieux réguler l’organisation des courses, se débarrasser des situations de conflits d’intérêts et
combattre les pratiques douteuses et illicites dont le blanchiment d’argent. En ce qui concerne M. Giraud, vous savez qu’il y a un cas en cour. Je ne vais donc pas faire de commentaires à ce sujet.
Dev Beekharry va donc continuer à être « le grand manitou qui contrôle tout par rapport aux courses » ?
(Rires)... Je vous ai dit que toutes les décisions de la GRA sont prises par le board et non par un individu. Je veux vous assurer que je continuerai à être un rempart contre les tricheurs ; ceux qui pensent pouvoir continuer à détrousser les turfistes semaine après semaine. Aucune calomnie, aucune intimidation ne me dévierait de ma mission en tant que membre du conseil d’administration de la GRA pour assainir les courses hippiques et protéger mes concitoyens des malversations qui ont trop longtemps duré.