Londres retient son souffle avant la finale de l'Euro dimanche (23h00) à Wembley, stade mythique prêt à rugir pour ses héros anglais, avides de titre après 55 ans de disette, face à des Italiens très ambitieux et déterminés à jouer les trouble-fête.
Au "pays du football", l'excitation est à son comble, malgré le rebond de l'épidémie de Covid, et la sélection des "Three Lions" a pu s'en rendre compte dès samedi, escortée à la sortie de son camp de base par des fans en liesse, agitant leurs drapeaux et hurlant leurs encouragements.
"Voir les supporters dans la rue et l'accueil qu'ils nous ont réservé quand nous sommes arrivés à l'hôtel et quand nous avons quitté St George's Park, cela nous montre à quel point l'opportunité est énorme", a apprécié le capitaine Harry Kane, qui rêve de succéder au Portugal de Cristiano Ronaldo au palmarès.
La presse anglaise est, sans surprise, déchaînée: "La fierté de l'Angleterre", titre le Sunday People sur sa Une où apparaissent le sélectionneur Gareth Southgate, ses joueurs et un lion rugissant, "We Kane be heroes" (On peut être des héros) renchérit l'édition dominicale du Mirror en jouant sur le nom d'Harry Kane. Le capitaine anglais, représenté en général romain, s'affiche aussi en Une du Daily Star avec une injonction: "Tout un pays fier vous regarde les gars, le temps est venu d'entrer dans l'histoire!".
En Italie, plus de retenue, même si la Gazzetta dello Sport demande à sa Nazionale "Faites-le", tandis que pour Il Messagero "L'Europe encourage l'Italie". Pour la Stampa, "l'Italie rêve", avec côte à côte le sélectionneur italien Roberto Mancini et Matteo Berrettini qui dispute dimanche à Londres la finale du tournoi de Wimbledon.
Dans un pays rattrapé par le variant delta du Covid-19, les Anglais vivent une parenthèse sportive enchantée que certains espèrent prolonger dans la nuit londonienne, sans forcément se préoccuper des gestes barrières, malgré les mises en garde des autorités.
"Je demande instamment aux gens de ne pas se rassembler en grand nombre", a martelé dans un communiqué le commissaire adjoint Laurence Taylor, de la police de Londres.
En Italie aussi, le bel Euro des "Azzurri" a fait ressurgir le doux parfum des "Nuits magiques", ces soirées du Mondial-1990 à domicile restées dans la mémoire collective.
Impossible de prédire sur quelles joues couleront les larmes de joie et de tristesse, tant l'issue du sommet apparaît incertaine.
"Ce sera un match formidable devant un stade comble, c'est une super nouvelle pour les amateurs de foot", en salive déjà le sélectionneur italien Roberto Mancini.
Wembley à l'accent anglais
En début de soirée, plus de 60.000 spectateurs prendront d'assaut Wembley, après s'être échauffé la voix sur les tubes "Football is Coming Home" ou "Sweet Caroline". Dans l'enceinte du nord-ouest de Londres, la grande majorité du public sera anglais, mais 10.000 "tifosi" sont attendus pour garnir le virage qui leur sera réservé en tribunes.
"Wembley peut faire peur à tout le monde, sauf à nous, les Italiens. Dans les difficultés, quand tout le monde est contre nous, nous sommes plus forts", a lancé le champion du monde 2006 Marco Materrazzi, en mode gladiateur dans la Gazzetta dello Sport.
Pourtant, il sera difficile de faire plus de bruit que la marée rouge et blanche de l'Angleterre, prête à chavirer pour une sélection sevrée de titre depuis le Mondial-1966 remporté contre l'Allemagne, déjà à Wembley.
"Il y a 55 ans, j'ai eu la chance de remettre la Coupe du monde à Bobby Moore et j'ai vu ce que cela représentait pour les joueurs, pour la direction et pour l'encadrement technique d'atteindre et de remporter la finale d'un tournoi international majeur de football", s'est rappelée la reine Elisabeth II dans un message d'encouragement adressé aux joueurs de Gareth Southgate.
Le sélectionneur n'était pas né à l'époque et n'a donc jamais célébré le moindre titre anglais. Les "Three Lions" n'ont même jamais atteint de finale continentale et il est bien placé pour le savoir, après son tir au but raté en demi-finale de l'Euro-1996 à domicile.
"Super défi" pour Southgate
Depuis la fin du premier tour, "on a eu l'opportunité d'écrire une page d'histoire à chaque match, a-t-il déclaré samedi. Les joueurs l'ont fait et on est impatients, c'est un match génial à préparer face à un adversaire brillant, techniquement très bon, très organisé".
Redevenue séduisante après des années noires, l'Italie espère aussi garnir son armoire à trophées, quinze ans après son succès à la Coupe du monde de 2006 et neuf ans après l'échec en finale de l'Euro-2012.
Mancini a remis les Azzurri sur les rails de la victoire, s'appuyant sur les expérimentés défenseurs Giorgio Chiellini et Leonardo Bonucci, le métronome Jorginho au milieu, l'ailier de la Juve Federico Chiesa et l'attaquant napolitain Lorenzo Insigne. Ils se présentent à Wembley avec une invincibilité s'étirant sur 33 matches.
En face, l'Angleterre devra sûrement se passer du jeune Phil Foden, incertain. Mais elle pourra compter sur la défense de fer incarnée par John Stones et Harry Maguire, son milieu accrocheur avec Kalvin Phillips et Mason Mount, son attaque inflammable avec Raheem Sterling et Kane.
Chiellini prévient: "Heureusement, c'est un sport d'équipe: l'important n'est pas que Bonucci ou Chiellini gagne contre Kane ou Sterling, mais que l'Italie gagne contre l'Angleterre". Les Anglais espèrent le résultat inverse, au bout d'une journée qui s'annonce comme une des plus longues et éprouvantes de leur existence.