Retrait des Comores des Jeux : Un incident évitable

Mardi 04 Aout 2015 JIOI 2015 O commentaire 0 views
Les Comores ont quitté la 9e édition des Jeux des îles de l’océan Indien, à La Réunion, quelques minutes seulement après avoir défilé lors de la cérémonie d’ouverture samedi. La cause : Mayotte, sur laquelle elles revendiquent la souveraineté, ont défilé au sein de la délégation France Océan Indien en compagnie de l’île de La Réunion, sous le drapeau français. [dropcap]T[/dropcap]out comme Maurice pour les Chagos, les Comores ont de tout temps affirmé que Mayotte leur appartient. La guerre diplomatique entre l’archipel des Comores et la France a connu une escalade depuis quelques semaines, plus précisément en juin, lors de la visite de Manuel Valls, premier ministre français, à Mayotte. Il avait alors déclaré que Mayotte allait « disputer les Jeux des îles de l’océan Indien sous le drapeau bleu-blanc-rouge et en cas de médaille d’or, bien sûr, elle aura droit à La Marseillaise. » D’ailleurs, la France a décrété Mayotte 101e département de son territoire en 2011. Si cela ne s’apparentait qu’à un souhait, force est de constater qu’il a été exaucé. Avec la bénédiction, cela s’entend, de ceux responsables du protocole à l’occasion des 9es Jeux des îles de l’océan Indien, à l’île de La Réunion, autre département français. Cela n’avait aucune raison d’avoir lieu, car la Charte des Jeux des îles de l’océan Indien est clair à ce sujet. Trois ans après la 6e édition, à Maurice en 2003, lors de laquelle Mayotte avait défilé au sein de la délégation France Océan Indien, la décision avait été prise par le Conseil International Permanent des Jeux des îles de l’océan Indien (CIJ), d’admettre Mayotte au sein de cette instance (donc aux Jeux) à la condition sine qua none que cette île participe en tant que « pays neutre », c’est-à-dire qu’elle utilise l’hymne et le drapeau des Jeux pour tout événement (défilé, cérémonie de remise de médailles…). Dans l’article 3 de la Charte des Jeux, sous l’intitulé « Membres – Adhésion de Mayotte », il est clairement stipulé que : « La demande d’adhésion de Mayotte en tant que membre du CIJ a été acceptée à l’unanimité, par résolution spéciale, lors de la réunion du CIJ du 21-22 avril 2006. Cette adhésion de Mayotte est soumise au respect des conditions suivantes :
  • Mayotte participe aux réunions de toutes les instances du CIJ sans droit de vote et avec voix consultative,
  • En toute occasion et cérémonie nécessitant l’utilisation d’un drapeau, elle utilisera celui des Jeux et n’arborera aucun symbole de L’état Français (hymne et drapeau).
Ce code d’adhésion au CIJ, par résolution spéciale, ne saurait constituer un précédent pour toute autre demande. »

Solidarité Mauricienne

En clair, le CIJ aurait dû être la première instance à s’assurer que cette règle soit scrupuleusement respectée. En acceptant que Mayotte défile sous le drapeau français, ils ont simplement permis la transformation du terrain sportif en un terrain glissant politico-diplomatique. On peut donc comprendre la position des Comores de se retirer des Jeux. Les autres membres auraient dû participer « under protest », car il y a bien eu une entorse à la Charte des Jeux, pour plaire à la super puissance qu’est la France. Même le ministre des Affaires étrangères de Maurice, Étienne Sinatambou, s’est exprimé sur le sujet. Il a dit sa solidarité aux Comores, s’appuyant uniquement sur la Charte des Jeux, et il a invité les Mauriciens siégeant au sein du CIJ de s’aligner sur sa position. Bref, si la Charte avait été respectée à la lettre, on aurait évité le retrait des Comores et tout ce que cela peut entraîner comme retombée (Voir texte à côté).

Jean-Claude de l’Estrac (COI) : « La Charte des Jeux a force de loi »

Dimanche, Attoumani Ali, ministre de la Jeunesse et des Sports des Comores, évoquait la possibilité que la suite du retrait des Comores des 9es Jeux des îles serait un départ de l’archipel de la Commission de l’océan Indien (COI). Le Mauricien Jean-Claude de L’Estrac, secrétaire-général de la COI, dit comprendre la décision des Comoriens de quitter les Jeux et estime que le CIJ n’a pas fait son travail, car la position politique ou juridique de l’État Français ne peut avoir priorité sur la Charte des Jeux, qui régit toute l’organisation de cet événement sportif indianocéanique. D’abord, le secrétaire-général de la COI a exprimé son étonnement quant à la déclaration du ministre comorien. « Au contraire, la COI a l’expertise pour gérer ce genre de différend. Les Comores et Mayotte participent activement au sein d’organisations, comme les îles Vanille, où il y a le respect et une bonne cohabitation », fait-il ressortir. Pour lui, la réaction des Comores aux Jeux était prévisible. « C’est attristant. Il fallait l’anticiper. On connaissait la position française et on savait que la collision était inévitable sans négociations et sans aucun accord. Les Comores mènent une lutte sur la scène internationale et ils ont d’ailleurs porté l’affaire devant les Nations unies et l’Union européenne », souligne-t-il. Pour Jean-Claude de l’Estrac, il ne fait pas de doute que la Charte des Jeux aurait dû primer. « La Charte des Jeux a force de loi. Elle a donc été bafouée. Cela ne souffre d’aucune contestation. Juridiquement et politiquement la France peut penser qu’elle peut imposer sa loi, mais le fait est que l’organisation des Jeux est régit par la Charte. Et cette dernière ne leur permet pas de transgresser les règles. De plus, j’estime que le CIJ n’a pas fait son travail. De même, les autorités politiques de La Réunion n’ont pas mesuré ce qui pouvait se passer », fait-il ressortir. Et de conclure : « Le mal est fait. J’espère maintenant que cela provoque la reprise des discussions, dans le dialogue, entre les parties concernées. »

Cela peut vous intéresser