Le Britannique Christopher Froome, vainqueur dimanche de son deuxième Tour de France, s'est posé en patron de la Grande Boucle, un "rêve" pour ce coureur à la vie hors-norme faite d'obstacles répétés dont il a souvent triomphé.
"Je me suis battu contre tellement d'éléments", a dit Froome au soir de son triomphe, en référence à ses adversaires (le Colombien Quintana principalement) et un contexte extra-sportif tendu.
Froome est Anglais (par son père) mais est né au Kenya en 1985 et y a passé son enfance avant que son père, actif dans le tourisme, ne déménage en Afrique du Sud 14 ans plus tard, laissant sa mère, physiothérapeute, exercer à Nairobi.
Le petit Chris donne ses premiers coups de pédales à cinq ans, sur un BMX, avant de prendre goût aux grandes randonnées dans la savane kényane.
Ses premiers souvenirs du Tour de France, ce sont des images TV à Johannesburg. Il a 16 ans.
"Je me disais que je voulais arriver à ce niveau, raconte-t-il. Je me suis donc mis à m'entraîner tous les matins sur route avant l'école".
Wiggins
Faute de structure en Afrique, Froome passe brièvement par le Centre mondial du cyclisme, basé en Suisse, qui aide les apprentis coureurs des pays émergents.
"Chris était déjà un gros moteur, se souvient l'un des entraîneurs, Michel Thèze, qui n'est dès lors pas étonné que "Froomey" séduise rapidement une petite équipe professionnelle, Konica Minolta.
Sa maturation peut débuter. Il se fait une place dans des équipes plus importantes, passant par Barloworld avant son arrivée chez Sky en 2010.
Mais l'ascension n'est pas simple et est ralentie par deux trouble-fête: la bilharziose, puis son compatriote Bradley Wiggins.
En 2010, une infection parasitaire qui s’attaque aux globules rouges menace sa carrière. Froome mettra plus d'un an à s'en remettre, manquant de peu d'être éjecté de chez Sky.
Et quand il revient en forme, le Britannique se voit confronté à la concurrence de Wiggins.
En 2011, Sky choisit la carte Wiggins sur la Vuelta. Ce dernier se classe troisième. Froome termine deuxième mais est convaincu qu'il aurait pu gagner dans d'autres circonstances. Un an plus tard, sur la Grande Boucle, il est à nouveau au service de Wiggins. Et à nouveau deuxième pendant que son leader se pare de jaune.
Le patient anglais doit attendre 2013 pour récolter les fruits de son labeur et remporter le 100e Tour. "Un rêve", dit-il.
Son style, sa fréquence de pédalage, son aspect maigrichon (1,86 m pour moins de 70 kilos) et la façon de courir de Sky font alors naître de premiers soupçons.
Froome dit comprendre. "C'est l'héritage du vélo, le lourd passé de notre sport en matière de dopage qui veut cela", analyse celui qui estime "ne rien avoir à cacher", martelant qu'il est "un coureur propre".
Suspicions
Mais les suspicions --nées principalement d'une attaque supersonique dans le Ventoux en 2013-- ne le lâchent plus. Elles se muent quasiment en accusation lors de son accélération spectaculaire dans La Pierre Saint-Martin, la dixième étape du Tour 2015 qu'il avait entamé "affamé" après son abandon sur chute un an plus tôt.
Les commentaires d'anciens coureurs, devenus consultants, et que Froome "déplore", agitent le bord des routes du Tour. Jets de bière et d'urine, crachats, gestes déplacés, calicots hostiles. Rien n'est épargné au maillot jaune qui reste pourtant de marbre. Flegmatique.
"99% des spectateurs me soutiennent. Il y a certes des comportements déplorables et inacceptables mais je me dis qu'ils ne me visent pas personnellement et sont surtout de circonstance", estime Froome.
Le protégé de Dave Brailsford regrette toutefois d'être le seul à être visé. "Quintana a été plus rapide que moi en montagne", fait-il remarquer.
Ses arguments ne convainquent pas tous ses détracteurs. Notamment lorsqu'il déclare, la main sur le cœur, que ce qu'il aime dans le cyclisme, "c'est davantage l'entraînement que la gloire".
Froome est effectivement un adepte des stages à la dure. "J'aime pousser mon corps à la limite".
L'histoire démontrera qu'il est un coureur propre, assure-t-il. Tout un sport touche du bois pour que ce soit le cas.