Demi-dieu aux poings fermés, Manny Pacquiao ne montera pas seul sur le Golgotha de Las Vegas pour "le combat du siècle" face à Floyd Mayweather : 100 millions de Philippins soutiennent leur enfant prodige dans une ferveur démentielle.
Les rues de l'archipel, de la capitale Manille aux régions rebelles du sud, seront vides pendant le match disputé au MGM Grand de Las Vegas, dimanche matin en Asie. Pieux catholiques pour 90% d'entre eux, les Philippins ne seront pas à la messe mais dans les bars, les cinémas ou devant des écrans géants pour soutenir "Pac-man". Les portraits du héros national sont partout, sur des panneaux géants le long des autoroutes, floqués sur des tee-shirts, des figurines ou des timbres. "Le monde s'arrêtera dimanche. Nous sommes tous très excités", assure Glenn Yago, un chauffeur de Manille. Sur l'île de Palawan (sud-ouest), la coopérative électrique a même lancé un appel aux habitants à reporter leurs corvées de machine ou de repassage dimanche afin d'économiser suffisamment d'électricité pour permettre de visionner le match. "La vérité est que le 3 mai (combat le 2 mai aux Etats-Unis, ndlr), Palawan pourrait être à court d'électricité, 2 mégawatts pourraient manquer. Certaines lignes électriques pourront être éteintes", a averti son directeur. Source d'inspiration Puerto Princesa, capitale de Palawan, souffre quotidiennement de deux à trois heures de coupure d'électricité en raison d'infrastructures insuffisantes sur l'île. La ville se prépare au combat qui sera notamment diffusé sur un écran géant sponsorisé par deux candidats aux élections à la mairie prévues la semaine suivante. A Santa Catalina (sud), où des indépendantistes musulmans avaient semé la terreur il y a deux ans, des villages ont fait des réserves de générateurs alternatifs alors que les coupures d'électricité atteignent six heures quotidiennement. Pour nombre de ses compatriotes, Manny Pacquiao incarne l'espoir d'échapper un jour à l'extrême pauvreté dans laquelle vit un Philippin sur quatre. "Le pays entier est chaotique mais pendant quelques heures nous oublierons tous nos problèmes", se réjouit Arvel Oquendo, un vendeur de rue. A 36 ans, Pacquiao, noceur repenti converti à l'évangélisme chrétien, est un héros national dont le prestige ne cesse de grandir parmi les siens. A telle enseigne, selon les autorités, que le boxeur a le pouvoir de faire taire les armes dès qu'il enfile sa culotte et ses gants. Atout anti-criminalité "Pacquiao a un impact avéré sur le nombre de crimes. Le taux de criminalité baisse pendant les matches parce que tout le monde est occupé à le regarder", assure à l'AFP le porte-parole de la police nationale, Bartolome Tobias. La religion joue aussi un rôle crucial dans la popularité du sportif. Pacquiao, qui flirte avec le mysticisme, affirme avoir été choisi par le Tout-Puissant pour diffuser le message du Christ. Une révélation touchant au coeur les Philippins qui avaient accueilli par millions l'an dernier le pape François venu les inviter à être des "missionnaires de la foi en Asie". "C'est un homme très pieux. Il a l'esprit, il a la foi", confie Mona Soriano, une boxeuse amateure, après une session d'entraînement dans un club de Manille. Brando Tachado, un garde de sécurité de 31 ans, voit dans "Manny" la projection de la résilience des Philippins face à l'adversité faite de misère et d'incessantes calamités naturelles. "Sa victoire va couvrir notre pays de gloire", s'enthousiasme-t-il. Et qu'importe qu'il gagne ou qu'il perde pour Arvel Oquendo: "Les Philippins savent encaisser les défaites", "nous nous relevons toujours". Immensément populaire, richissime, d'ores et déjà député, Pacquiao ambitionne de devenir président de son pays. "Je veux être une source d'inspiration", a-t-il assuré mercredi à Las Vegas lors de la traditionnelle conférence de presse d'avant-match.