Le parquet sud-africain a tenté mardi de convaincre la Cour d'appel que la mort de Reeva Steenkamp, la petite amie d'Oscar Pistorius, était un meurtre et non un "homicide involontaire", mardi à l'ouverture du procès en appel du champion paralympique.
[dropcap]O[/dropcap]scar Pistorius a été condamné en 2014 à cinq ans de prison pour avoir tué sa petite amie la nuit de la Saint-Valentin en 2013 à Pretoria. Mais l'ancien athlète a été libéré par anticipation le 19 octobre, et se trouve en résidence surveillée chez son oncle. S'il est reconnu coupable de meurtre, il risque de retourner immédiatemment derrière les barreaux, le meurtre étant passible d'une peine d'au moins 15 ans de prison. "Il est dans les prérogatives du parquet de s'assurer que la loi est correctement appliquée", a déclaré mardi le procureur Gerrie Nel devant les cinq juges de la Cour suprême d'appel de Bloemfontein (centre), la capitale judiciaire de l'Afrique du Sud. En première instance, "la cour a ignoré les preuves, les preuves circonstanciées les plus importantes, qui auraient rendu (...) impossible la version de l'accusé", a-t-il estimé. Pistorius, amputé des deux jambes, a toujours plaidé l'erreur tragique. Il affirme qu'il a cru qu'un cambrioleur avait fait irruption dans sa salle d'eau dans sa maison ultra sécurisée de Pretoria et qu'il avait tiré dans la panique. "Nous avons deux obstacles à franchir", a ajouté mardi Gerrie Nel, expliquant qu'il devait d'abord convaincre la Cour du bien-fondé d'entendre l'appel de l'accusation et ensuite la convaincre que la loi avait été mal interprétée. Comme il est d'usage à ce stade dans la procédure judiciaire, Pistorius n'était pas présent mardi à Bloemfontein. En revanche June Steenkamp, la mère de Reeva, avait fait le déplacement. "Je suis ici pour soutenir Gerrie Nel et son équipe", a-t-elle déclaré à l'AFP, refusant d'en dire davantage sur l'issue du procès en appel. Vêtue d'un blazer noir, rehaussé d'un rouge à lèvres, elle a pris place au premier rang des places réservées au public, juste derrière le ministère public. La même place qu'elle avait occupée pendant le procès en première instance devant la Haute Cour de Pretoria.
Un jour d'audience
L'audience devant la Cour suprême d'appel est prévue pour durer une seule journée. Le jugement sera rendu ultérieurement. En Afrique du Sud, la procédure d'appel s'apparente plus à la cassation française qu'à un appel proprement dit. La Cour suprême d'appel ne se prononce pas sur le fond, mais sur le droit uniquement. Il y a trois possibilités: l'appel est rejeté et Pistorius continuera de purger le reste de sa peine de cinq ans de prison chez son oncle à Pretoria ; l'appel est accepté et la Cour d'appel prononce une nouvelle peine pour meurtre, passible d'au moins 15 ans de prison ; l'appel est accepté et la Cour d'appel décide d'une nouveau procès. L'homicide involontaire retenu en première instance avait suscité l'incompréhension d'un grand nombre de juristes en Afrique du Sud, et valu une volée de critiques à la juge Thokozile Masipa de la Haute Cour de Pretoria. Faute de preuves suffisantes, la juge avait écarté la thèse du parquet, selon laquelle l'athlète aurait abattu sa petite amie à l'issue d'une dispute. Mardi à Bloemfontein, un supporter de Pistorius brandissait une pancarte "#Pas touche à Oscar Pistorius, #Donnez une chance à Oscar Pistorius". "La seule chose qu'Oscar Pistorius mérite est de rester en prison", a affirmé de son côté Khosi Mojapi, une membre de la Ligue des femmes du parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC). "Il doit être condamné à la prison à vie, même s'il est célèbre, il faut que la loi s'applique." Pistorius, surnommé "Blade runner" (le coureur aux lames) en référence à ses prothèses en carbone, avait acquis une stature internationale en s'alignant parmi les valides aux JO de Londres en 2012. Quelle que soit la décision de la Cour d'appel, la saga judiciaire Pistorius pourrait être loin d'être terminée: les parties peuvent encore saisir la Cour constitutionnelle, la plus haute instance judiciaire du pays, à condition d'en avoir les moyens.