La Russie est prête à appliquer "n'importe quelle mesure" que lui demandera la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) a indiqué le ministre des Sports, Vitali Moutko, juste avant le vote sur une éventuelle suspension de la Russie de toute compétition d'athlétisme.
[dropcap]L[/dropcap]a réunion du conseil de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), devait débuter vendredi à 18h00 GMT à Monaco, par visioconférence. Sebastian Coe, le président de l'IAAF, devait participer à cette réunion depuis Londres.
"Nous sommes prêts à coopérer (avec l'IAAF) pour que notre athlétisme soit aux normes qui nous sont demandées. Mais faisons le ensemble. Nous sommes prêts à n'importe quelle mesure", a affirmé M. Moutko peu avant le début du vote.
"Je ne souhaite pas rendre public le plan d'action des autorités (russes) tant que l'IAAF n'a pas pris sa décision. Mais je salue le fait qu'ils nous permettent de nous exprimer", a ajouté le ministre, cité par l'agence R-Sport.
Auparavant, M. Moutko avait dit espérer "une décision juste". "Nous pouvons rater une ou deux compétitions, mais que des athlètes honnêtes ratent les jeux Olympiques ou les championnats du monde, c'est véritablement stupide", avait-il ajouté.
Le ministre des Sports avait également promis de créer une nouvelle agence antidopage.
Devant le Conseil de l'IAAF, la position de la Russie devait être soutenue par Mikhail Boutov, membre du conseil et secrétaire général de la Fédération nationale d'athlétisme avant d'être "exclu du débat et du vote", a précisé l'IAAF dans un communiqué. Chaque membre possède une voix, et la décision devait être prise à la majorité simple.
Accusations de corruption
Mais que peut faire l'IAAF ? Depuis les révélations de l'enquête indépendante de l'AMA lundi, la Russie est pointée du doigt, accusée de toutes parts d'avoir mis sur pied un programme institutionnalisé de dopage dans l'athlétisme et d'avoir au passage saboté les jeux Olympiques de Londres en 2012.
Plus grave encore: à ce dopage établi, se mêlent des accusations de corruption qui ont gangréné l'athlétisme jusqu'au sommet, comme le suggère la mise en examen par la justice française de l'ancien président de l'IAAF, le Sénégalais Lamine Diack, soupçonné d'avoir couvert des cas de dopage en Russie moyennant finances.
D'abord droite dans ses bottes, la Russie a infléchi son discours ces deux derniers jours devant l'ampleur du scandale, espérant la clémence des dirigeants de l'IAAF.
Jeudi, à 24 heures du vote décisif, le camp russe a joué son va-tout en répondant à l'ultimatum de l'IAAF, qui l'avait sommé de répondre aux interrogations nées de ces révélations sans précédent.
Un geste conciliant, même si le contenu de la réponse reste flou: "Nous l'avons rédigée afin de prouver notre innocence. Combien de pages fait-elle ? Une ou cent, cela n'a pas d'importance", avait déclaré le président par intérim de la Fédération russe, Vadim Zelitchenok, cité à l'agence R-Sport.
Poutine joue l'apaisement
Dans son rapport, l'Agence mondiale antidopage (AMA) avait été très claire lundi: la Russie doit être suspendue de toute compétition d'athlétisme, y compris pourquoi pas les JO-2016 de Rio de Janeiro (Brésil), tant qu'elle n'a pas démontré sa capacité à lutter efficacement contre le dopage.
Depuis Sotchi (Russie) mercredi, le président Vladimir Poutine a joué l'apaisement, demandant une enquête interne et préconisant des sanctions personnalisées plutôt que collectives.
"Les athlètes qui n'ont jamais touché au dopage ne doivent pas pâtir pour ceux qui enfreignent quelque chose", a insisté le chef du Kremlin, qui a fait du sport une de ses priorités stratégiques pour le rayonnement de la Russie à l'étranger.
Aux déclarations volontaristes se sont ajoutés des actes, avec la démission du directeur du laboratoire antidopage de Moscou, lourdement accusé par l'AMA, notamment pour avoir détruit 1.417 échantillons suspicieux.
Le ministre des Sports Vitaly Moutko a même émis l'idée de nommer un "spécialiste étranger" à la tête de ce laboratoire, une proposition d'ouverture jamais vue dans le monde sportif russe.
Frapper les seuls fautifs avérés ou taper du poing sur la table en sanctionnant un système: c'est tout l'enjeu du vote de l'IAAF, très attendu.
Car la Russie est depuis toujours une nation majeure de l'athlétisme, le sport olympique N.1. Mais un tel niveau de tricherie n'avait plus été vu depuis le dopage institutionnalisé mis en place du temps du bloc socialiste, notamment en RDA.
Elu en août à la tête de l'IAAF, le Britannique Sebastian Coe avait promis une "tolérance zéro" sur le dopage.
Dans ce contexte, l'option la plus probable reste une suspension provisoire de la Russie, afin que tous les responsables de ce sport, coupables comme innocents, aient le temps de rentrer dans le rang ou d'insuffler un nouvel état d'esprit, si près des jeux Olympiques.