FilbertBayi, détenteur du record du 1500m des Jeux du Commonwealth depuis 44 ans, est à Maurice dans le cadre d’un séminaire organisé par la Commonwealth GamesFederation. Lors d’un entretien accordé au Défi Plus, le Tanzanien est revenu sur sa course mythique de 1974 et fait un constat de l’évolution de l’athlétisme africain. Pour lui, les sportifs ne sont pas les seuls à surveiller en ce qui concerne le dopage, mais également les agents et entraîneurs.
L’épreuve du 1500 m des Jeux du Commonwealth de 1974 à Christchurch reste mémorable. C’était certainement l’une de vos plus belles réalisations de votre carrière…
J’avais bien planifié ma course. Chacun fait sa course et personne ne prend le risque pour faire le lièvre. Je devais donc épuiser mes adversaires. À un moment de la course, Ben Jipcho et Rod Dixon ne pouvaient plus suivre et John Walker était le seul à tenir le rythme. Heureusement, j’ai pu conserver mon avance jusqu’à la ligne d’arrivée. Cependant, mon plus beau souvenir reste ma médaille d’argent aux Jeux Olympiques de 1980 à Moscou sur le ‘steeple chase’.
Votre record des Jeux du Commonwealth à 3m32,16s sur 1500m demeure intact depuis 1974. Comment explique-vous cela ?
Ce n’est pas bon signe. Les records sont faits pour être battus. Désormais, les athlètes pensent davantage à l’or qu’au record. Si un athlète peut obtenir la médaille d’or dans un chrono de cinq minutes, il va se contenter de cela. Dans les grands meetings d’athlétisme, il y a des athlètes qui ont pour rôle de faire le lièvre et là on peut s’attendre à des records. Aux Jeux du Commonwealth, chacun fait sa course à sa manière. Hélas, courir vite n’est plus aussi important que d’obtenir une médaille.
Quel est votre constat de l’athlétisme africain ?
Les athlètes du continent excellent sur la scène mondiale en ce moment. Il y a du progrès. Les Kenyans et les Éthiopiens ont toujours brillé sur les longues distances. Nous voyons maintenant des Sud-Africains émerger en sprint. Les 100 m, 200 m et 400 m étaient, dans le passé, dominés par les Américains ou encore les Jamaïcains. Aujourd’hui, les Sud-Africains sont très forts dans ces épreuves, de même que dans les concours de sauts, notamment à la longueur. Le sport africain en général se porte mieux. Si certains pays du Maghreb ne sont pas si dominateurs en athlétisme, ils font la différence dans d’autres disciplines. Par exemple, l’Égypte est très fort en haltérophilie ou en tennis de table.
La fédération internationale d’athlétisme (IAAF) mène un combat acharné contre le dopage. Selon-vous, est-ce possible de l’éradiquer complètement ?
Le dopage n’a pas sa place dans le sport. L’IAAF a un programme bien établi pour combattre ce mal qui nuit le sport. Le sport africain progresse très vite. C’est une bonne chose, mais cela me tracasse en même temps, car il peut y avoir la tentation d’avoir recours au dopage. Il faut aussi suivre de près les agents et les entraîneurs. Certains ne se gênent pas à inciter leurs athlètes à se doper. Le sport professionnel est aujourd’hui un business.